mercredi 23 février 2011

SEMAINE SEPT



Inclus dans le présent envoi
Photo du village et réunion en plein air

FOLIE et SORCELLERIE
Une simple mésaventure, juxtaposition du mauvais endroit et du mauvais moment.
Accompagnée d’une collègue, nous attendons le patron, debout, tout près de notre voiture en plein cœur de Yagoua. 
Soudain, ma collègue se fait accrocher les cheveux vitement et, voilà que c’est mon tour, on m’attrape le cou et puis, plus rien.  J’ai pensé qu’on s’en prenait à ma chaine. 
MA CHAINE !!!
Je me retourne et aperçois un homme qui nous regarde tout en s’éloignant. Enragé il était. Plus encore, il écumait, gesticulait tout en pestant des phrases inaudibles.
Sale et poussiéreuse, son allure faisait peur. Ses cheveux crépus étaient couverts de la poussière du sable et son linge délabré portait une saleté qui semblait plus vieille que les vêtements eux-mêmes.
Quelques hommes sont là, tout près, ils nous regardent et rient. 
Malgré leurs rires, ils prennent le temps de nous expliquer : «C’est la femme qui l’a rendu fou, il est victime de sorcellerie» et voici que le rire est encore plus fort et combien communicateur puisque nous les accompagnons et rions de les voir se moquer ainsi.
Quelques minutes plus tard, on me crie qu’il revient. Sous les recommandations de ma collègue, je me terre dans la voiture. Le voici qu’il se positionne tout près de la poubelle située à quelques mètres de nous.  Un des hommes possédant les explications à ses maux saisit une pelle et s’approche de lui tentant de lui faire peur.  Il frappe quelques coups sur la poubelle qui les séparent. Ils sont face à face, mais l’homme enragé ne bouge pas, il enlève sa chemise, la pose par terre, l’ouvre bien grande pour ensuite, à l’aide de ses deux mains, remuer le contenu de la poubelle, saisir ce qui lui plaît, principalement du papier blanc froissé et le placer tranquillement et doucement sur sa chemise ouverte. Il forma alors un baluchon pour repartir avec son butin dans une tout autre direction. Plus calme cette fois.
Par la suite, nous discutions de ce qui aurait pu ou dû lui arriver.  Quelques bons coups en pleine gueule, un tour de fourgon et la prison auraient certes été une des solutions envisageable ou, souvent envisagée et réalisée.
C’est ainsi que parfois, on traite la santé mentale. 
La pelle et la prison, dans les conditions d’ici bien entendu, sont décidément des éléments moins dispendieux que la camisole chimique et l’aile psychiatrique.
Un projet présenté par mon employeur vise une forme de justice sociale pour certains groupes défavorisés dont les prisonniers. Un début. Certes un projet ambitieux, mais, on y croit.  
Dans les prisons, gale, tuberculose et maintes maladies y cohabitent.  Des salles surpeuplées et, faute de place, les prisonniers n’ont d’autre choix que de dormir alignés sur le côté gauche, directement sur les planchers de ciment.
Revenons à la santé mentale. Une volontaire VSO de la région de l’ouest du pays travaille dans un centre d’hébergement pour personnes ayant des problèmes de santé mentale.  On les accueille, les soulage de leurs chaines et leur offrons un milieu un peu plus convenable. 
Deux psychiatres pour tout le pays m’a-t-elle dit.  Lors de leur visite, ils prescrivent massivement et la dose est diminuée tranquillement jusqu’à l’équilibre parfait.  L'infirmière fera cette partie du travail.
À cet endroit, c’est un peu comme au Québec, la camisole chimique et un «semblant» d’aile psychiatrique orchestrés par une infirmière dévouée et un désir de changement. Un projet où VSO s’implique activement.
Mais, vous savez, les gens d’ici ayant des problèmes de santé mentale ne sont pas tous en prison. La plupart sont laissés à eux-mêmes, se retrouvant alors à mendier dans leur période plus critique ou encore…À attraper la crinière ou le cou d’une volontaire VSO…
Bref, notre pauvre agresseur a eu de la chance, il est reparti avec son butin et nous espérons que la femme qui l’a rendu fou a mis fin à son sortilège.
Nous lui recommandons de se tenir loin des femmes…Toutes les femmes…Qui sait lesquelles sont sorcière...
J’apprendrai la sorcellerie…Les mâles du Québec n’ont qu’à bien se tenir…Fils inclus…


vendredi 18 février 2011

Semaine six

Bzzzzzz…
Un peu plus de légèreté cette semaine…Moi seul...Avec un peu de Cameroun…
02h30 du matin.  Je ne peux me rendormir.  Je pense à tout, à vous, à eux, au quotidien, enfin…Le sommeil m’a quitté, comme ça, sans prévenir.
Soudain, un bruit d’ailes qui frappent l’air. Du calibre…Un bimoteur, plus fort encore, je dirais deux turbos…Des énormes turbos. 
Je solidifie mon moustiquaire. Je le serre sous mon matelas en faisant le tour rapidement et efficacement.  Hors de question que ce bruyant émetteur et moi cohabitions sous le même toit.
Mais qu’est-ce que c’est ? Tout bien réfléchi, quoi d’autres que deux simples mouches que nous rencontrons un peu partout qui s’accouplent, comme ça, en plein cœur de la nuit et qui ont pris leur envol. Leur fortissimo est convaincant, il s’agit d’une séance de fornication et elles sont sur le point d’atteindre le coït.
Vous savez, ces mouches n’ont aucune pudeur, ils s’envoient en l’air partout, n’importe quand, n’importe comment, avec n’importe qui, sans aucune règle…Et sans condom j’en suis certaine…Moi qui travaille à la lutte au VIH…Ces mouches sont effrontées.
Et puis, plus un bruit. La forme noire s’est déposée sur une de mes blouses accrochée sur le pôle du rideau qui sépare ma chambre de la salle d’eau où se trouvent la douche et le lavabo. 
Dans la pénombre, j’ai pu voir le format, plus gros que nature alors, j’ai conclu que ma chambre était réellement devenue l’alcôve de deux mouches qui ont oublié que j’étais là. C’est chez moi qu’on se multiplie, c’est chez moi qu’on se courtise, qu’on se séduit, qu’on se conte fleurette et, qu’on se réjouit de jouir.  Imaginez, je demeure toujours chez les sœurs.
«C’est grave» comme le disent souvent les Camerounais.
Et puis non, tant mieux pour eux mais le fruit de leur concupiscence doit naître et vivre ou survivre ailleurs.
Parenthèse, je dois vous dire qu’ici, je dors toujours avec un léger éclairage. Je ne pourrais dire pourquoi.  Peut-être parce que l’Afrique est noir, très noir.  C’est noir partout alors…Un peu de blancheur pour colorer la nuit...
Je regarde comme il faut.  Tout ce que j’ai imaginé se dissipe, et ce, le temps d’un coup d’oeil un peu plus attentif.  Un seul et unique insecte mais quel format !  Je resserre mon moustiquaire. Deux fois plutôt qu’une.
Il ne passera pas la nuit.  Ils finissent par tous mourir. Après tout, si je laisse vivre les araignées, c’est pour qu’elles me dégagent de ces derniers. Je me rassure en me disant que dans l’ordre normal des choses, d’ici mon réveil, il sera mort, sachant qu’ils ont une espérance de vie très courte et qui sait, peut-être qu’en Afrique, ils ont une espérance de vie réduite comme celle des humains !
Qu’à cela ne tienne, j’espère juste qu’il quittera ma chemise, et que par la suite, qu’il se terrera quelque part. Ne restera qu’à le trouver et le ramasser.
Et les turbos de cette seule et unique bête brisent le silence à nouveau. Je l’entends se frapper partout sur les murs et le plafond pour terminer sa course sous le néon de la salle d’eau.  Il se brûlera et crèvera.  Vous entendez le bruit qu’ils font lorsqu’ils sont à l’agonie, sur le dos, leurs pattes qui bougent, et un Bzzzzzz prolongé et très fort suivi d’un silence, un deuxième Bzzzzzz un peu moins fort et second silence, encore un Bzzzzzz plus faible cette fois-ci suivi d’un troisième silence, et ainsi de suite, en diminuendo, jusqu’à épuisement. 
Le turbo manque alors d’essence et s’éteint. Plus rien.  Le silence.  Je me rendors.
Au matin, j’ai trouvé mon visiteur dans le lavabo. En mode survie…Je lui ai lancé de l’eau et il n’a pas survécu, c’est du moins ce que je pense.
Il s’est retrouvé dans le trou du l’évier et j’ai aussitôt mis le bouchon sur sa tête.  Il restera là jusqu’à mon départ prévu dans quelques semaines. C’est ce que je planifie. Je préfère me priver de mon lavabo plutôt que de le recroiser à nouveau.
J’aimerais tellement que ma maman soit ici, elle n’a jamais eu peur des insectes, elle les tue sans se questionner sur le bruit qu’ils feront à la rencontre de la semelle de son soulier. Très jeunes, mes fils ont dû apprendre à venir me secourir et tuer les «bibittes» que je rencontrais.
Je les remerciais et les embrassais tendrement chaque fois qu’ils s’exécutaient. Merci maman, merci mes fils mais là, je dois me débrouiller seule. Pas mal ce que j’ai fait non !
Quelques jours plus tard, j’retire le bouchon, assurée du décès de la bête mais le voilà qui sort de son trou.  Rebelotte, eau et bouchon à nouveau. 
Ce même jour, j’ai croisé la femme de ménage et lui ai expliqué mon problème.  Elle a sourit et comme ma maman, elle a pris sa guenille dans un premier temps, elle a saisi la bête, l’a jetée par terre pour l’écraser avec la semelle de sa sandale sans trop se soucier du bruit que ça ferait.
Elle riait tout en me rassurant que ça ne piquait pas mais qu’il fallait que je fasse attention aux scorpions, et que le soir, je devais éviter les sandales, que leur morsure faisait très très mal. 
Je lui ai donné 500 Fr.  J’ai fait sa journée et elle a fait la mienne.
Un conseil, ne bzzzzzzer pas trop fort près de moi, vous risquer la douche avec le bouchon sur la tête pour ensuite rencontrer la semelle de sandale de la première venue. Ça vous fera mal.
Bonne semaine.

dimanche 13 février 2011

Semaine cinq
Je traverse le pays, les idées suspendues entre la chaleur et les odeurs qui inondent ma chair et mon esprit, je ne peux m'en soustraire.
Je m’imprègne des différences que j’observe, entends, sens, goûte et touche. Je cherche mon stylo pour écrire, vous écrire.
Ma main se promène dans tous les compartiments de mon sac : rien. J’ai perdu mon stylo. Ne reste que mon calepin qui m’est, dans les circonstances, complètement inutile.
Ma mémoire tiendra-t-elle le coup ? Je crois que oui puisque me voilà à vous écrire. Temps d’arrêt, silence et, mes observations reviennent, une à une, chaleur et odeurs en moins.
Décrire ces maints villages affichant un quotidien aux différences innombrables demeure un survol de mes lendemains. Un prélude aux contrastes.
Ces huttes entourées d’enfants, ces rivières asséchées et sollicitées par des femmes qui y lavent leur linge utilisant «le» filet d’eau ayant survécu à la sécheresse, et, ces mêmes femmes qui marchent, entre deux villages, transportant sur leur tête leur chargement de bois pour le feu, bébé au dos et toujours, cette démarche qui ne ment pas. 
Elles sont droites, elles sont fortes, elles sont courageuses. Très courageuses.
Un trajet interminable. Quelques arrêts pour les passagers qui descendent dans les différents villages croisés en cours de route.  À ces mêmes arrêts, les enfants ou adolescents offrent divers aliments dans de grandes assiettes portées en équilibre sur leur tête, ou encore, lorsque trop petits, à bout de bras et sur la pointe des pieds pour que nous puissions, de la fenêtre ouverte, acheter ce qu’il faut pour poursuivre la route. Fruits frais, boissons diverses, arachides, sésames, grillades, etc.
J’ai mangé de tout, c’était succulent, à s’en lécher les doigts même, mais, je n’ai pas léché mes doigts, je les savais sales.  Le repas terminé, mes pantalons me serviront de serviette de table.
Le décor est le même sur des kilomètres. À l’aridité du paysage et à la couleur jaunâtre du sable se mêlent les arbres, les troncs séchés, les animaux de toutes sortes tels moutons, chèvres, ânes, poules, porcs, chevaux et, aux abords des routes, des troupeaux de bœufs dirigés par de jeunes garçons en transition entre l’enfance et l’adolescence. Bâton en main, ils se rendent au point d’eau le plus près pour faire boire le bétail. Le pas est lent, le soleil plombe, la chaleur est écrasante, mais ils y arriveront. Les animaux sont maigres, pour eux aussi la vie n’est pas facile.
Lors d’un second trajet amorcé dès l’aurore, mon regard s’est posé sur une dizaine d’enfants en cercle autour d’un feu.  Un cercle parfait. 
Autant de couleur de chandails que d’enfants. Jaune, bleu, vert, rouge, orange, blanc, noir, mauve, etc.  Un arc-en-ciel matinal jauni par le sable du sahel, pluie en moins, couleurs en plus, et une scripte qui ne laisse rien passer.   Ces petits dos bien alignés ont fait pivoter ma tête et m’ont permis de conclure que sans enfant, le décor d’un village ne serait pas le même, ils sont là pour : la couleur, la rondeur et la chaleur…
Pour vivre ici, il faut vivre le temps autrement.  Tout prend plus de temps. Même traverser le pays.
Les Camerounais disent très souvent : «On a le temps»… Le tout est suivi de rire, plaisir et trêve au problème du temps. Mieux encore, une conclusion, une solution à toute attente imposée. L’apothéose du moment.
J’insiste davantage...«On a le temps»…Prononcez bien chaque syllabe et prenez le temps de bien le lire et le dire. S’exécuter comme tel, c’est déjà lui reconnaître un certain sens, c’est déjà le début d’une réflexion, d’une procession.
Inapplicable au contexte Nord-Américain vous me direz, mais ici, en mode survie, on trouve les moyens de revenir rapidement aux choses essentielles qui se vivent et se nomment au quotidien. 
N’oubliez pas, la plupart d’entre nous vivent alors qu’eux survivent. Les lendemains lointains n’existent pas. Au jour le jour, la vie se vit.
Lu dans un projet de demande de subvention dans le cadre de mon travail, l’espérance de vie dans l’Extrême Nord serait plus basse que dans l’ensemble du Cameroun. 41 pour les hommes et 42 pour les femmes.  Au rythme où j’entends les décès de la cousine, du cousin, du neveu, de la nièce, de l’oncle, de la tante, de la femme, du mari, de l’enfant, et au nombre de veuves que je croise, j’accorde une certaine crédibilité à ces statistiques et ajoute…Les lendemains lointains n’existent pas…
Et malgré les rudesses de la vie, ce sont des gens souriants.  Après leur sourire, il y a leur rire suivi d’une poignée de main qui s’installe dès que l’on s’esclaffe pour quelque raison que ce soit.  Mais attention, la poignée de main camerounaise est particulière.  Elle débute par une véritable poignée de main et se poursuit par un glissement, paume contre paume, doigts contre doigts, pour se terminer par un claquement que l’on exécute avec le majeur de l’autre qui se coince entre notre pouce et notre majeur et vice-versa. Un travail d’équipe qui se termine par un clac doublé. Véritable science…J’y travaille…Très fort...
Je vous envoie sourire et rire, esclaffement, poignée de main, glissement, j’attrape votre majeur pour le presser entre mon majeur et mon pouce, vice versa et ainsi, claquer nos doigts. Entendez ce clac doublé. Virtuellement, nous réussissons ensemble cette adresse camerounaise.  

mercredi 2 février 2011

Semaine quatre

Petit Jos mon héros
L’histoire de notre trajet entre Yaoundé et Maroua commence par un rendez-vous à 16h00 avec l’employé désigné par VSO qui aura pour mandat de nous accompagner jusqu’à destination. Nous sommes six coopérants à se rendre dans l’Extrême Nord. Une longue journée nous attend.  Entre 24 et 26 heures de trajet en train dans un premier temps, et en autobus par la suite.
Petit Jos est employé de VSO.  Nous l’appelons ainsi parce qu’il est le plus petit des deux employés répondant au prénom de Jos.
Nous sommes tous prêts sauf l’une d’entre nous.  Le taxi attend environ cinq minutes. Les coffres arrières des trois voitures réservées pour le transport sont ouverts complètement, les valises y sont empilées pêle-mêle. Je récupère un de mes sacs glissé entre deux valises qui aurait assurément tombé lors du trajet pour le placer sur mes genoux.
Une fois arrivé à la gare, nous sommes assaillis par une meute de jeunes hommes qui veulent transporter nos valises.  Petit Jos les dirige ailleurs en leur disant que nous n’avons besoin d’aucune aide.  Ils insistent mais, on résiste.
Nous plaçons nos bagages dans un seul tas en dessinant un cercle autour de nos valises. Nous attendons Petit Jos pendant qu’il s’affaire à payer les trois chauffeurs de taxis.  Tout va bien pour les deux premiers mais le troisième demande plus d’argent que prévu en mentionnant qu’il a du attendre. Petit Jos est calme, il refuse et explique qu’il n’avait qu’à le préciser avant le départ, que le contrat est pour sa part respecté. Le ton monte d’un seul côté, le chauffeur de taxi est de plus en plus impoli, quelques malfrats se joignent à lui et en moins de deux, nous sommes entourés d’environ une centaine de personnes.  Je ne blague pas, une centaine de personnes.
On ouvre le sac d’une coopérante, elle se fait voler des futilités, pauvre voleur, il a choisi la mauvaise poche.  On nous frôle, nous touche, nous offre maints objets complètement inutiles comme…Et c’est sérieux…Des petits drapeaux des États-Unis plastifiés servant de porte-clés…Allez comprendre…
À ces vendeurs itinérants, répéter que nous n’avons besoin de rien est insuffisant, ils sont là, avec un acharnement indescriptible. Je parle un peu plus fort. Mes «NON MERCI» sont teintés d’indifférence et d’impatience. Ils ne lâchent pas, sachant que nous sommes pris au piège et que nous ne pouvons aller plus loin, ils attendent une occasion pour nous dépouiller subtilement.  Nous sommes en état de veille constant. Personne n’ose dire quoi que ce soit mais il est évident que nous avons tous la frousse. On se regarde, muet, avec cet air dubitatif que nous tentons de camoufler aux pillards qui nous entourent.
Pendant tout ce temps, Petit Jos se fait parler à six pouces du nez.  Il demeure imperturbable, impassible, intrépide même. Petit Jos est fort.  Derrière ce visage angélique et cet air timide, une fermeté des plus étonnantes.
Ce que nous entendons de la foule se résume comme suit : «C’est l’argent des blancs, allez, donnes l’argent des blancs, ils ont l’argent, donne à ton frère, etc.»
Honnêtement, j’aurais payé pour que tout se termine mais c’était la dernière chose à faire.  Petit Jos jouait sa réputation. Il reverra ce chauffeur de taxi et moi non alors, il a été et est demeuré le maître d’œuvre. Aucun coopérant, malgré les tentations, n’a osé s’interposer.
J’insiste, il était incroyable à regarder. Pendant que tous avions la chienne, lui était solide comme le roc.
Après environ 20-25 minutes de discussion, et je n’exagère pas puisque je surveillais l’heure de peur de rater le départ du train, eh bien Petit Jos est parti, nous laissant seuls avec ce troupeau d’une centaine de têtes. Nous nous sommes tous regardés, incrédules et sceptiques. Sans perdre confiance, je me questionnais sérieusement.
Quelques minutes plus tard, il revenait avec un gendarme, et puis un autre qui avait quelques bananes de plus sur les épaules.  Ces derniers écoutèrent alors les deux versions et puis, l’un d’eux se tourna vers Petit Jos pour lui ordonner d’ajouter 500 Fr.  Petit Jos paya la dote mais le chauffeur de taxi demeura mécontent puisque ce montant était bien en deçà de sa requête. 
Le gendarme était d’une froideur incroyable.  Il n’a jamais rien dit, il n’a jamais bougé sinon ses yeux et encore.  Du haut de ses six pieds et 3-4 pouces, il n’a fait qu’écouter. Son visage portait des cicatrices sur le côté droit d’une largeur que vous ne pouvez imaginer.  Tout le côté droit de son visage en était couvert.  Je ne pensais plus, je ne faisais qu’examiner de loin en me demandant ce qui avait pu lui arriver.  Les mêmes cicatrices au Québec m’aurait laissé croire que j’avais devant moi un bûcheron ayant subi le rebond d’une scie mécanique.
Une fois le paiement effectué, ce même gendarme se tourna vers la foule et cria :  «Allez, partez, vous n’avez jamais vu l’homme blanc, etc.» En moins de deux, nous étions seuls à nouveau.  Le désert autour de nous. Le niveau de transpiration, la fréquence cardiaque, le niveau de stress, la respiration, un à un, ces éléments revenaient à la normale. Nous retrouvions nos sourires, notre calme et notre désir de continuer avec au surplus, une histoire à partager et surtout, une confiance inébranlable en Petit Jos. Je savais que le reste du voyage serait bien et il a été bien.
Merci Petit Jos. Petit Jos mon Héros.