Petit Jos mon héros
L’histoire de notre trajet entre Yaoundé et Maroua commence par un rendez-vous à 16h00 avec l’employé désigné par VSO qui aura pour mandat de nous accompagner jusqu’à destination. Nous sommes six coopérants à se rendre dans l’Extrême Nord. Une longue journée nous attend. Entre 24 et 26 heures de trajet en train dans un premier temps, et en autobus par la suite.
Petit Jos est employé de VSO. Nous l’appelons ainsi parce qu’il est le plus petit des deux employés répondant au prénom de Jos.
Nous sommes tous prêts sauf l’une d’entre nous. Le taxi attend environ cinq minutes. Les coffres arrières des trois voitures réservées pour le transport sont ouverts complètement, les valises y sont empilées pêle-mêle. Je récupère un de mes sacs glissé entre deux valises qui aurait assurément tombé lors du trajet pour le placer sur mes genoux.
Une fois arrivé à la gare, nous sommes assaillis par une meute de jeunes hommes qui veulent transporter nos valises. Petit Jos les dirige ailleurs en leur disant que nous n’avons besoin d’aucune aide. Ils insistent mais, on résiste.
Nous plaçons nos bagages dans un seul tas en dessinant un cercle autour de nos valises. Nous attendons Petit Jos pendant qu’il s’affaire à payer les trois chauffeurs de taxis. Tout va bien pour les deux premiers mais le troisième demande plus d’argent que prévu en mentionnant qu’il a du attendre. Petit Jos est calme, il refuse et explique qu’il n’avait qu’à le préciser avant le départ, que le contrat est pour sa part respecté. Le ton monte d’un seul côté, le chauffeur de taxi est de plus en plus impoli, quelques malfrats se joignent à lui et en moins de deux, nous sommes entourés d’environ une centaine de personnes. Je ne blague pas, une centaine de personnes.
On ouvre le sac d’une coopérante, elle se fait voler des futilités, pauvre voleur, il a choisi la mauvaise poche. On nous frôle, nous touche, nous offre maints objets complètement inutiles comme…Et c’est sérieux…Des petits drapeaux des États-Unis plastifiés servant de porte-clés…Allez comprendre…
À ces vendeurs itinérants, répéter que nous n’avons besoin de rien est insuffisant, ils sont là, avec un acharnement indescriptible. Je parle un peu plus fort. Mes «NON MERCI» sont teintés d’indifférence et d’impatience. Ils ne lâchent pas, sachant que nous sommes pris au piège et que nous ne pouvons aller plus loin, ils attendent une occasion pour nous dépouiller subtilement. Nous sommes en état de veille constant. Personne n’ose dire quoi que ce soit mais il est évident que nous avons tous la frousse. On se regarde, muet, avec cet air dubitatif que nous tentons de camoufler aux pillards qui nous entourent.
Pendant tout ce temps, Petit Jos se fait parler à six pouces du nez. Il demeure imperturbable, impassible, intrépide même. Petit Jos est fort. Derrière ce visage angélique et cet air timide, une fermeté des plus étonnantes.
Ce que nous entendons de la foule se résume comme suit : «C’est l’argent des blancs, allez, donnes l’argent des blancs, ils ont l’argent, donne à ton frère, etc.»
Honnêtement, j’aurais payé pour que tout se termine mais c’était la dernière chose à faire. Petit Jos jouait sa réputation. Il reverra ce chauffeur de taxi et moi non alors, il a été et est demeuré le maître d’œuvre. Aucun coopérant, malgré les tentations, n’a osé s’interposer.
J’insiste, il était incroyable à regarder. Pendant que tous avions la chienne, lui était solide comme le roc.
Après environ 20-25 minutes de discussion, et je n’exagère pas puisque je surveillais l’heure de peur de rater le départ du train, eh bien Petit Jos est parti, nous laissant seuls avec ce troupeau d’une centaine de têtes. Nous nous sommes tous regardés, incrédules et sceptiques. Sans perdre confiance, je me questionnais sérieusement.
Quelques minutes plus tard, il revenait avec un gendarme, et puis un autre qui avait quelques bananes de plus sur les épaules. Ces derniers écoutèrent alors les deux versions et puis, l’un d’eux se tourna vers Petit Jos pour lui ordonner d’ajouter 500 Fr. Petit Jos paya la dote mais le chauffeur de taxi demeura mécontent puisque ce montant était bien en deçà de sa requête.
Le gendarme était d’une froideur incroyable. Il n’a jamais rien dit, il n’a jamais bougé sinon ses yeux et encore. Du haut de ses six pieds et 3-4 pouces, il n’a fait qu’écouter. Son visage portait des cicatrices sur le côté droit d’une largeur que vous ne pouvez imaginer. Tout le côté droit de son visage en était couvert. Je ne pensais plus, je ne faisais qu’examiner de loin en me demandant ce qui avait pu lui arriver. Les mêmes cicatrices au Québec m’aurait laissé croire que j’avais devant moi un bûcheron ayant subi le rebond d’une scie mécanique.
Une fois le paiement effectué, ce même gendarme se tourna vers la foule et cria : «Allez, partez, vous n’avez jamais vu l’homme blanc, etc.» En moins de deux, nous étions seuls à nouveau. Le désert autour de nous. Le niveau de transpiration, la fréquence cardiaque, le niveau de stress, la respiration, un à un, ces éléments revenaient à la normale. Nous retrouvions nos sourires, notre calme et notre désir de continuer avec au surplus, une histoire à partager et surtout, une confiance inébranlable en Petit Jos. Je savais que le reste du voyage serait bien et il a été bien.
Merci Petit Jos. Petit Jos mon Héros.
oufff... tu es vraiment bonne ma tante Alyne! Tu as tout un talent pour nous faire vivre les émotions que tu as ressentis. Merci et fais attention à toi! xxxx
RépondreSupprimerWowww!!! Vraiment intéressant de te lire Alyne! C'est magnifique! Tu pourrais en faire un roman! Bisou et fais attention à toi! xxx
RépondreSupprimerMon Alyne adorée
RépondreSupprimerComme dirait laflamme222, il faudra que tu puisse coucher sur papier toutes tes aventures et publier tout cela, sans farce. C'est tellement bien raconté qu'on se croirait à tes côtés. Je t'embrasse et t'envoie plein de flocons....et de grâce, fais attention à toi ma belle.xxxxxx
Chère Alyne,
RépondreSupprimermerci tellement!
Comme c'est passionnant!
Imagine la quantité d'histoires que tu nous auras racontées dans 1 an!
Comme tout le monde, je te dis tout de même: attention à toi, femme blanche! Surveille ton porte-feuille et tes fesses!
Je t'embrasse bien fort,
Catherine xxx