vendredi 18 février 2011

Semaine six

Bzzzzzz…
Un peu plus de légèreté cette semaine…Moi seul...Avec un peu de Cameroun…
02h30 du matin.  Je ne peux me rendormir.  Je pense à tout, à vous, à eux, au quotidien, enfin…Le sommeil m’a quitté, comme ça, sans prévenir.
Soudain, un bruit d’ailes qui frappent l’air. Du calibre…Un bimoteur, plus fort encore, je dirais deux turbos…Des énormes turbos. 
Je solidifie mon moustiquaire. Je le serre sous mon matelas en faisant le tour rapidement et efficacement.  Hors de question que ce bruyant émetteur et moi cohabitions sous le même toit.
Mais qu’est-ce que c’est ? Tout bien réfléchi, quoi d’autres que deux simples mouches que nous rencontrons un peu partout qui s’accouplent, comme ça, en plein cœur de la nuit et qui ont pris leur envol. Leur fortissimo est convaincant, il s’agit d’une séance de fornication et elles sont sur le point d’atteindre le coït.
Vous savez, ces mouches n’ont aucune pudeur, ils s’envoient en l’air partout, n’importe quand, n’importe comment, avec n’importe qui, sans aucune règle…Et sans condom j’en suis certaine…Moi qui travaille à la lutte au VIH…Ces mouches sont effrontées.
Et puis, plus un bruit. La forme noire s’est déposée sur une de mes blouses accrochée sur le pôle du rideau qui sépare ma chambre de la salle d’eau où se trouvent la douche et le lavabo. 
Dans la pénombre, j’ai pu voir le format, plus gros que nature alors, j’ai conclu que ma chambre était réellement devenue l’alcôve de deux mouches qui ont oublié que j’étais là. C’est chez moi qu’on se multiplie, c’est chez moi qu’on se courtise, qu’on se séduit, qu’on se conte fleurette et, qu’on se réjouit de jouir.  Imaginez, je demeure toujours chez les sœurs.
«C’est grave» comme le disent souvent les Camerounais.
Et puis non, tant mieux pour eux mais le fruit de leur concupiscence doit naître et vivre ou survivre ailleurs.
Parenthèse, je dois vous dire qu’ici, je dors toujours avec un léger éclairage. Je ne pourrais dire pourquoi.  Peut-être parce que l’Afrique est noir, très noir.  C’est noir partout alors…Un peu de blancheur pour colorer la nuit...
Je regarde comme il faut.  Tout ce que j’ai imaginé se dissipe, et ce, le temps d’un coup d’oeil un peu plus attentif.  Un seul et unique insecte mais quel format !  Je resserre mon moustiquaire. Deux fois plutôt qu’une.
Il ne passera pas la nuit.  Ils finissent par tous mourir. Après tout, si je laisse vivre les araignées, c’est pour qu’elles me dégagent de ces derniers. Je me rassure en me disant que dans l’ordre normal des choses, d’ici mon réveil, il sera mort, sachant qu’ils ont une espérance de vie très courte et qui sait, peut-être qu’en Afrique, ils ont une espérance de vie réduite comme celle des humains !
Qu’à cela ne tienne, j’espère juste qu’il quittera ma chemise, et que par la suite, qu’il se terrera quelque part. Ne restera qu’à le trouver et le ramasser.
Et les turbos de cette seule et unique bête brisent le silence à nouveau. Je l’entends se frapper partout sur les murs et le plafond pour terminer sa course sous le néon de la salle d’eau.  Il se brûlera et crèvera.  Vous entendez le bruit qu’ils font lorsqu’ils sont à l’agonie, sur le dos, leurs pattes qui bougent, et un Bzzzzzz prolongé et très fort suivi d’un silence, un deuxième Bzzzzzz un peu moins fort et second silence, encore un Bzzzzzz plus faible cette fois-ci suivi d’un troisième silence, et ainsi de suite, en diminuendo, jusqu’à épuisement. 
Le turbo manque alors d’essence et s’éteint. Plus rien.  Le silence.  Je me rendors.
Au matin, j’ai trouvé mon visiteur dans le lavabo. En mode survie…Je lui ai lancé de l’eau et il n’a pas survécu, c’est du moins ce que je pense.
Il s’est retrouvé dans le trou du l’évier et j’ai aussitôt mis le bouchon sur sa tête.  Il restera là jusqu’à mon départ prévu dans quelques semaines. C’est ce que je planifie. Je préfère me priver de mon lavabo plutôt que de le recroiser à nouveau.
J’aimerais tellement que ma maman soit ici, elle n’a jamais eu peur des insectes, elle les tue sans se questionner sur le bruit qu’ils feront à la rencontre de la semelle de son soulier. Très jeunes, mes fils ont dû apprendre à venir me secourir et tuer les «bibittes» que je rencontrais.
Je les remerciais et les embrassais tendrement chaque fois qu’ils s’exécutaient. Merci maman, merci mes fils mais là, je dois me débrouiller seule. Pas mal ce que j’ai fait non !
Quelques jours plus tard, j’retire le bouchon, assurée du décès de la bête mais le voilà qui sort de son trou.  Rebelotte, eau et bouchon à nouveau. 
Ce même jour, j’ai croisé la femme de ménage et lui ai expliqué mon problème.  Elle a sourit et comme ma maman, elle a pris sa guenille dans un premier temps, elle a saisi la bête, l’a jetée par terre pour l’écraser avec la semelle de sa sandale sans trop se soucier du bruit que ça ferait.
Elle riait tout en me rassurant que ça ne piquait pas mais qu’il fallait que je fasse attention aux scorpions, et que le soir, je devais éviter les sandales, que leur morsure faisait très très mal. 
Je lui ai donné 500 Fr.  J’ai fait sa journée et elle a fait la mienne.
Un conseil, ne bzzzzzzer pas trop fort près de moi, vous risquer la douche avec le bouchon sur la tête pour ensuite rencontrer la semelle de sandale de la première venue. Ça vous fera mal.
Bonne semaine.

5 commentaires:

  1. Mon Alyne adorée

    Tu es tellement drôle avec tes bibites et cela me rappelle de très bons souvenirs quand je t'attendait crier de mon jardin, je me disait "y a encore une bibite qui fait peur à Alyne". Trop tordant...mais ces petits moments me manquent terriblement. Mais je constate que tu va bien et c'est ce qui est important.

    Au plaisir de te lire ma belle et prend bien soin de toi.

    Ta meilleure xxxxx

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  2. Chère Alyne,
    C'est toi qui fait ma journée douce amie. Que de plaisir en te lisant. Ici ce ne sont pas les insectes qu'on entend mais bien le bruit de l'eau car nous vivons le grand déluge du temps de Noé!
    Attention à l'hiver québécois...Ça neige, Ça gèle, ça pleut,ça fond c'est la grande fête de l'eau dans toute ses glorieuses transpormations. D'un blanc impeccable la neige deviendra grise et "slotcheuse" à souhait! Vive les piétons de Québec transformés en poussins de baignoires! Arrosez arrosez bons chauffeurs de chars!!! On est à Québec. Il faut s'en donner à coeur joie.
    Je suis allé travailler en habit de pluie de la tête au pied, bravant les gros moteurs roulants!
    Bref. Vendredi pm. Je suis chez toi. Ici te lisant là-bas. Tu me manque.
    Mo

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  3. Merci encore une fois, Alyne!
    Te lire une fois semaine est un ravissement.
    Je ne peux pas croire que tu étais prête à passer des semaines sans lavabo! Hihihi! Tu te brossais les dents sous la douche? Remarque, j'aurais sûrement fait la même chose. Et tu sais quoi, j'aurais mis deux moustiquaires au dessus de mon lit!
    À la semaine prochaine!
    ps: Pense à moi! En attente de grosses réponses professionnelles...
    Catherine xx

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  4. Tu as trouvé quelqu'un pour remplacer tes soldats de bibites! La femme de chambre! Ce voyage, c'est un genre de thérapie en même temps!!! Comment venir à "boutte" d'une peur des bibites? Aller en Afrique!!!! ;))) J'ai déjà hâte à la semaine prochaine, tu nous tiens en halène ma belle! Sois prudente avec les scorpions! Impressionnante tu es et tu resteras!

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  5. Quel bonheur de te lire. Écoute ceci et pour vrai c'est une question de mon examen. "Un insecte herbivore sans impact économique au Québec est par erreur introduit en Afrique par des touristes négligents. Quelques années plus tard, l'insecte s'est établi en Afrique et cause des dégâts intenses chez le chou. Pourquoi cet insecte est-il devenu un grave ravageur en Afrique alors qu'il ne cause aucun tort aux cultures québécoises ?"
    Tu me donnes la réponse à ma question d'examen. Je vais répondre :" Parce que en Afrique la pauvre petite bête est persécutée par Alyne et ce pauvre insecte réagit agressivement aux mesures répressives". Ah ! Ah! Tu me fais bien rire. Tu écris très bien et c'est toujours agréable de te lire et je te sens dans ton élément. Bravo.... mais garde un oeil ouvert quand même.
    Viviane D.

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