jeudi 24 mars 2011

SEMAINE ONZE - Oscar



Voici Oscar et l'arraignée qui veille sur les moustiques de la maison.  Une photo de mon petit petit salon...


OSCAR
Vous vous rappelez mon ami Oscar le lézard ? C’est au blogue de la deuxième semaine que je vous l’ai présenté.
Il est de retour, il m’a suivi jusque dans ma maison. Il m’a adopté.  Avec lui, toute sa famille : grand-père, grand-mère, papa, maman, le grand frère, le petit frère, la grande sœur, la petite sœur, sa femme (une seule), ses petits dont le bambin qui adore jouer et parfois, oser défier les limites de mon territoire.
La famille au complet, un vrai Africain. Je doute même qu’il ait amené la famille de sa femme, je devrai vérifier avec lui ultérieurement.  Et si c’est le cas, je comprendrai alors un peu mieux le nombre qu’ils sont.
Vous savez, sa présence est une bonne chose puisque j’ai besoin de lui pour éliminer les cafards qui oseraient s’approcher de ma maison.  Il a transmis la notion de territoire à son clan et je vous dirais que jusqu’ici, tous respectent à la lettre le protocole déjà signé entre Oscar et moi. Mieux encore, ils demeurent sur les murs de ma cour extérieure.  Si tous résistent à la tentation de venir dévorer les araignées de ma maison qui s’occupent de bouffer les moustiques, ce sera le paradis. 
Vous comprenez ainsi que je dois impérativement cohabiter avec deux espèces bienveillantes, le lézard et l’araignée. 
Je les préfère de loin aux moustiques qui peuvent nous transmettre la malaria ou à ces laids cafards qui provoquent chez moi la répulsion, le dégoût et la nausée. 
Avec Oscar, tout s’est bien déroulé.  Il a tout de suite reconnu mon langage et a compris les clauses du contrat complexe que nous devions signer. Or, ce n’est pas la même chose avec les Camerounais plus âgés qui n’ont pas fréquenté l’école très longtemps.
On me regarde, on demeure silencieux, parfois la répartie se limite à peu de mots.  Certains se risqueront.
-Vous êtes Française ?
-Non, je suis Canadienne et rapidement d’ajouter «Québécoise pour être plus précise».
-Ah bon ! Voilà ! C’est l’accent.
Et ils ajoutent : «Nous sommes frères, nous avons aussi deux langues au pays, l’anglais et le français».
Croyez-le ou non, ils ont eux aussi leur ROC (Rest of Cameroun au lieu de Rest of Canada).
Que de mots changés, éliminés, remplacés. Combien de fois je me suis fait dire que j’avalais mes mots ou mes syllabes. 
Résultat : je m’exerce à prononcer lentement et très très clairement soignant ainsi mon vocabulaire administratif qui diffère quelque peu.
Retenez que je ne suis pas dans la capitale, je travaille avec des gens qui viennent de village parfois inaccessible en saison des pluies.  Le français est leur deuxième langue et parfois même leur troisième.
Je me rappelle avoir donné des explications à un homme venant d’un village de la brousse comme ils disent ici, et qui me regardait sans dire un mot pour ensuite regardé le chauffeur de moto-taxi et lui dire : «Qu’est-ce qu’elle a dit ?» Et moi qui m’appliquais à parler lentement, clairement et doucement.
Le chauffeur a repris en faisant des phrases encore plus courtes et prenait le temps de prendre une pause entre chacune d’elles.  Depuis cette démonstration, mes communications sont meilleures avec les gens des villages qui sont plus âgés, je me rappelle le chauffeur qui reprend ce que j’ai dit et je l’imite sans moquerie.
Ce même jour, j’avais dirigé ce même monsieur à sa chambre puisqu’il ne pouvait retourner dans son village le même jour.
Peu de temps après l’avoir laissé, il est revenu me voir et m’a demandé de le suivre dans sa chambre, «je voudrais que tu viennes» m’a-t-il dit.   Il me montra la douche et dit : «Qu’est-ce que c’est ?» J’ai ouvert l’eau pour lui montrer et lui ai dit que c’était pour se laver et il a ajouté tout doucement : «Je vois, et l’eau coule sur toi».  Il se retourna, vit le savonnier et dit : «Et ça, c’est pour mettre le savon». 
Mais ne vous en faites pas, je parle encore québécois et on me parle toujours de mon accent.
Se mouler au langage local est une nécessité.  Ne pas se faire comprendre est difficile et se faire comprendre à moitié l’est tout autant.
À titre d’exemple, ils feront une enquête alors que nous ferons une collecte de données. Ils demanderont une «décharge» alors que nous demanderons un «reçu» même si je sais que le mot reçu n’est pas dans le dictionnaire et que nous devrions dire «récépissé».
Ils font un plaidoyer alors que nous faisons une campagne de sensibilisation. Ils «lavent» les photos alors que nous les développons.  On nous présente un bâtiment alors que nous présentons des personnes.
Je ne soupe plus, je dîne et, je n’ai plus d’adverbe interrogatif, je dis «C’est comment?».
Ce fameux «C’est comment?».  Je leur demande comment je peux connaître son véritable sens alors qu’eux-mêmes le disent n’importe quand, n’importe où, n’importe comment et pour n’importe quoi. 
J’ai donc conclu que je pouvais le lancer, comme ça, sans trop me questionner, et que de toute manière, on me sourirait et qu’ensemble, on engagerait la conversation.
Mais je vous le dis, avec Oscar, tout s’est bien déroulé. 
Pour être honnête, je doute de ses origines lointaines…Peut-être est-il le résultat d’un croisement entre une salamandre québécoise venue pour le développement international et un lézard camerounais?
Enfin, une chose est certaine, sa famille est grande et je doute des activités nocturnes de mon ami Oscar.  Encore une fois, je crois que, comme mentionné à la semaine six, c’est chez moi qu’on se multiplie, c’est chez moi qu’on se courtise, qu’on se séduit, qu’on se conte fleurette et, qu’on se réjouit de jouir. À une différence près, je ne demeure plus chez les sœurs.
Mieux encore, je désire qu’Oscar se multiplie avec sa «belle» et que tous se nourrissent des délicieux cafards qui provoquent chez moi la répulsion, le dégoût et la nausée. 
Bonne semaine à vous...




mercredi 16 mars 2011

SEMAINE DIX






Tel que prévu, des photos...
Le pagne de la journée de la femme 2011
Trois photos de la cour extérieure de ma maison dont une avec mon gardien de nuit, Dominique Bouba. Sur la deuxième photo, vous pouvez voir ce que mon gardien de nuit a fait pour moi, un toit de paille soutenu avec des troncs d'arbre habilement taillés, attachés et plantés dans le sable...Tellement beau...
Sur la quatrième photo, ma toilette extérieure...Un simple trou...
La dernière photo, moi-même avec mon costume du 8 mars...

8 mars 2011
Mon 8 mars a débuté le jour où j’ai appris que mon employeur offrait le pagne traditionnel à toutes les femmes à son emploi.
Et de vous préciser davantage, le pagne est une pièce d’étoffe qui sert à la fabrication du costume traditionnel. Chaque année, un motif est créé pour l’occasion.  Accompagnant ce texte, vous trouverez le motif de l’année 2011 et pourrez y lire le thème de la journée du 8 mars 2011 :
Femmes : Partenaires incontournables du développement
Sur la photo ci-haut, vous me verrez avec mon pagne ayant servi à la confection d’un cabas, robe ample dont les mesures sont simples. Il n’a suffi qu’un œil scrutateur pour que ma couturière me confectionne un cabas sur mesure. Tout était parfait.
Et ce 8 mars 2011…
Honnêtement, je ne savais trop ce qui m’attendait et, n’eut été de ce costume, des efforts de la couturière à me confectionner et livrer mon costume à temps, je serais resté sagement à la maison.  Or, je devais honorer l’invitation et porter fièrement ce costume. Je n’avais pas le choix.
Vers 09h00 le matin, vêtu de mon cabas, je me rendis au stade de la ville où la fête se déroulait.  Le trajet fût ralenti par des félicitations, des poignées de main et des «Bonne fête» de toutes parts. De toute évidence, les Camerounais aiment que nous portions le pagne.
Certaines coupes de leur costume moulent si bien les courbes de la femme Africaine qu’on croirait que Joseph Ribkoff est venu copier les couturiers d’ici avant de lancer sa carrière.     
Une fois arrivée au stade, seule, je me rendis près de l’estrade et très rapidement, un placier m’indiquait l’endroit où je devais m’asseoir.  Je devenais invitée d’honneur. De toute évidence, la couleur de ma peau y était pour quelque chose.   
Et puis, les gens sont arrivés. Des hommes venus assister au défilé et des femmes portant fièrement le «fameux» pagne du 8 mars 2011. 
Ce pagne importe. On en parle longtemps à l’avance.  Plusieurs femmes se priveront de participer aux activités simplement parce qu’elles n’ont pas le pagne. Plus encore, on dit que les maris paient très cher leur impossibilité ou leur refus d’acheter le pagne à leur femme. On me raconte qu’une femme aurait brûlé la récolte de son mari parce que celui-ci ne lui avait pas offert son pagne…Reconnaissez que c’est du sérieux !
Mais, il y a aussi celles qui n’assisteront pas à la fête pour bien d’autres raisons.  Un paysan rencontré la veille du 8 mars me disait qu’il ne pouvait acheter le pagne à sa femme et que de toute manière, il valait mieux qu’elle n’assiste pas à la fête.  Il prit alors le temps de nous expliquer et dans ses mots ce que j’ai retenu : «…vaut mieux qu’elle reste à la maison pour les travaux, ça c’est bien. Là-bas, les femmes boivent trop, ce n’est pas bien…»
Retour à cette journée du 8 mars 2011…
Et puis, sise dans les estrades, me sentant un peu étrangère, mon téléphone sonna.  Je dois rejoindre celle qui a cousu mon costume.  Elles sont tous là, des employées que je rencontre pour la première fois puisqu’elles ne sont pas dans le même village que moi.
J’apprends que nous défilerons.  On m’enseigne le pas ainsi que le salut militaire que nous devrons faire lorsque nous serons devant les dignitaires.
Une, deux, une, deux, gauche, droite, gauche, droite, etc.
Tel un métronome, je bats la mesure au rythme prescrit par notre cheffe, notre grande cheffe.
Stratégiquement, on me place bien en vue en disant que ce serait bien que «la blanche» soit visible. J’achète tout, je dis «oui» à tout.  Je suis docile. 
Pour ceux qui en doutent, je vous dis que c’est vrai. «Docile» est le bon mot. 
La journée se poursuit. J’apprends que les femmes se sont cotisées, 2500 Fr pour les préparatifs du déjeuner (diner pour les québécois).  Je donne ma part avec joie.
Avant de continuer, toujours en mémoire, les contrastes croustillants relevés expressément pour vous lors de cette journée de la femme 2011 :
-        Les deux premières rangées de l’estrade sont occupées par des hommes et deux ou trois femmes seulement dont : la femme du préfet et la présidente de l’organisation de la journée de la femme 2011.
-        Lors du discours d’un des dignitaires, alors qu’il présentait la présidente de la fête, celui-ci mentionne : «…cette femme est un modèle de réussite, elle a étudié, elle s’est trouvé un emploi, elle a travaillé ailleurs, elle a voyagé, et elle a su se trouver un mari…»
-        À la radio : «…cette journée internationale des femmes organisée sous l’œil bienveillant des hommes…».
Assez, revenons au déroulement de ma journée.  Après avoir bien défilé, nous nous réunissons au bar extérieur d’un collègue de travail.  N’oubliez pas que je suis entourée de chrétiens et non de musulmans.  La consommation de boissons alcoolisées est permise.
Une fois sur place, cette dame qui a cousu mon costume s’éclipse et nous revient une heure plus tard avec le poulet, le pain, la sauce, les assiettes et les ustensiles. Les bras bien chargés, sourire aux lèvres et toute l’orchestration nécessaire à rendre la fête des plus agréables.
Et puis, la surprise, les collègues masculins du travail nous rejoignent.  Ils sont tous là.  Les femmes les ont invités…
On me demande de faire une brève allocution puisque je suis la nouvelle venue.  Les éléments à mentionner : l’objectif de la rencontre, les remerciements aux hommes pour leur présence et trouver un volontaire pour le bénédicité.
J’ai fait rire l’assemblée en leur mentionnant que c’était la journée de la femme, la fille, la maman, la grand-maman, la sœur, la tante, l’écolière, la lycéenne, la travaillante et je terminais avec le gène femelle…
De bonnes conventions, les invités se servent en premier…Par conséquent, les hommes se servent en premier.  Nous buvons et mangeons et…J’ai ri, mais ri comme pas possible.
On n’a pas cessé de me dire combien mon cabas me faisait bien.  L’atmosphère était bonne. 
Ce matin-là, j’ai hésité avant de me rendre à la fête.  Je ne savais ce qui m’attendait.
Maintenant, comment vous décrire le bien-être qui suit nos appréhensions inutiles face à l’inconnu. 
Chaque fois que mes craintes vagues et indéfinissables sont matées par l’énergie humaine des gens que je rencontre, je me sermonne.
Boire, manger, rire et sourire…Un amalgame qui dynamise nos vies. Partout où nous sommes, cette formule enjolive, sublimise et magnifie…Partout…Peu importe l’endroit…Une formule internationale…
En retrait, cette autre femme qui assurait la comptabilité des sommes amassées afin de nous servir la boisson (alcoolisée ou non) jusqu’à épuisement des fonds.  J’ai ajouté ma tournée.
Le lendemain, sur la route, je croisais l’une d’elle qui me disait en riant : «…et j’ai dit aux autres que pour nos futures rencontres, Alyne est invitée d’office…» Et de rire encore plus…Sans ajouter quoi que ce soit…Se remémorant notre soirée sans dire un mot…Que nos yeux qui échangeaient et nos mains qui se serraient…
À vous tous, femme, fille, maman, grand-maman, belle-sœur, tante, filleule, nièce, amie, écolière, lycéenne, travaillante et porteuse du gène femelle…
Bonne fête des femmes en retard et…Buvez, mangez, riez et souriez…

mercredi 9 mars 2011

SEMAINE NEUF


Au fur et à mesure que les semaines passeront, je vous enverrai des photos de mon domaine.
Première photo : La porte extérieur menant à ma petite maison.
À gauche de la porte, un espace pour brûler les déchets. Ça semble terrible mais vous verrez...Une fois cette porte traversée, vous êtes chez moi...dans mon humble demeure...À suivre...
Deuxième photo : Mon fils et ma belle-fille qui ont répondu à mon blogue sur les «petits coins»...Je vous partage mon plus grand fou-rire de la semaine...

Chapitre
Son témoignage était si généreux que je décidais, séance tenante, de vous le partager.
Son histoire. Un chapitre de son histoire.  Je vous parlerai de cet homme rencontré au cours d’une rencontre d’échange entre organismes luttant contre le VIH.
La réunion est organisée par VSO. Il est un bénéficiaire choisi pour venir témoigner de la contribution de VSO auprès de son organisme et des résultats auprès des bénéficiaires que lui-même dessert.
Nous avons passé l’avant-midi ensemble. Ils étaient deux, j’étais leur «facilitatrice».  Des questions de toutes sortes se voulant de faire le portrait actuel des choses, mais surtout, de ce qui fut réalisé au cours de la dernière année.
À la fin de cet avant-midi bien rempli, il resta devant moi et, d’une voix calme, réfléchie et posée, sans que je lui demande quoi que ce soit, il amorça son récit.
Pour mon blogue, je tenterai d’être fidèle à ses mots, en italique vous les reconnaitrez.
Un jour, il a eu le palu (paludisme), et ce palu l’a rendu encore plus malade que d’habitude.  Dès lors, son inquiétude s’est installée.  Il a parlé à sa femme, lui demandant si lors de ses grossesses on lui avait passé le test de séropositivité. Elle disait qu’elle ne savait trop.  Il a longuement réfléchi et a décidé d’aller voir l’homme qui travaille aux services sanitaires.  Celui-ci lui a demandé si sa demande était sérieuse considérant les coûts. 
Il était sérieux.  Il voulait comprendre son palu.  Et puis, il a su. On lui a dit.  Et sa femme a également passé le test et elle a su.  Sa tête était troublée me dit-il…Et ses enfants…Ses cinq enfants…Bien eux…Ils n’ont rien su, car il n’y avait rien…Un baume sur leurs plaies séropositives…Physiques et morales…
Et puis, sa femme a été malade. Très malade. 
C’est à ce moment que j’ai osé poser une question. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça…J’étais absorbée par son récit et impatiente d’en connaître le dénouement. Ma question propulsait l’histoire et j’ai saisi qu’il ne voulait rien laisser au hasard, que tout était important, et ce, dans les moindres détails. Il m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit : «je te raconte l’histoire, il faut attendre».
Je me suis tu. Je crois n’avoir rien dit de plus sinon que quelques «hummm» ici et là.
Parait que la psychanalyse est née d’une intervention similaire, une patiente aurait dit à Freud d’écouter plutôt que d’interpréter ce qu’elle disait.
Il continua avec ses mots, son histoire, son récit.
Et puis, sa femme a été malade.  Très malade.
Elle fut alitée, à quelques reprises, mais chaque fois, c’était toujours plus long.  Et puis, la grand- maman est venue les aider, la marmaille était jeune, le besoin était grand.
Un jour, elle a dit à son mari qu’elle savait qu’elle partait.  Il a couru chercher de l’aide.  Aide inutile. Si j’ai bien compris, c’était le lundi et elle disait qu’elle partirait le samedi. Elle passa la semaine et le samedi prédit, elle quitta à 20h00.
Il prend le temps de me dire que la saison avant son départ, elle a tout fait. Les récoltes, la nourriture et qu’elle a pris soin de les laisser avec tout ce qu’il faut.
L’autre ami qui était à notre table s’est alors levé et a dit : «On a tous le même chapitre».
Le silence. 
Et son histoire se poursuit. Dans les mois qui suivirent, il a eu un accident…«Tu vois les traces ici» et il me montra son arcade sourcilière, une vilaine cicatrice. Il me montra son poignet gauche difforme : une cassure. Un chaman lui a guéri en la brisant deux fois…À froid…
Et puis, on lui a volé ses moutons et sa charrue.
Et il termine en disant : «Dieu en a voulu ainsi».
Il vit maintenant avec sa maman qui l’aide avec les enfants.  Il est actif dans son organisme.  Tellement actif que lors de la création du réseau des organismes, il a été nommé président du conseil d’administration.
Il a présenté le résultat de notre travail devant la salle.  Il était génial.  Applaudi deux fois plutôt qu’une. Il dit que c’est l’homme qu’il a vu lors de son dépistage qui lui a montré à parler et à dire ce qu’il pense.  C’est lui qui a soigné sa tête. C’est lui qui lui a montré à ne pas avoir honte.  C’est lui qui lui a montré la route.
Cet homme qui l’a aidé, c’est mon collègue de travail. Un colosse de plus de six pieds 5 pouces qui croit que ses jambes sont trop longues lorsque vient le temps de voyage en autobus.  
Bien sûr, nous retrouvons ce genre d’histoire partout dans le monde.  Je vous la partage parce qu’elle fait partie d’une des histoires que je côtoie au quotidien.  Loin de moi l’idée de vous offrir un guide touristique, je veux écrire sur leur vie, leur réalité, leurs habitudes, leurs différences, et ce, dans toutes les sphères possibles et impossibles.
Je termine avec un léger parallèle. Au Québec, sa femme serait «probablement» vivante puisque nos services de santé l’auraient prise en charge.  Elle aurait bénéficié d’une médication gratuite, d’un service personnalisé, d’un suivi rigoureux, d’hospitalisation au besoin, il n’y aurait pas eu de «rupture de marchandise» en ARV (antirétroviraux).  Elle aurait vécu sa séropositivité d’une manière différente.
Plus précisément, au cours de la dernière année, la région de l’extrême nord n’avait plus d’antirétroviraux. Ces trois mois sans médications leur ont semblé à tous interminables. Ces gens demeurent craintifs. Vous imaginez ce que ça signifie pour eux. La médication nécessaire à leur survie ne se trouve plus…L’équivalent d’un diabétique sans insuline…
Je continue, au Québec, la perte de ses moutons et de sa charrue aurait été moindre, son assurance aurait couvert une partie de sa perte.
Son poignet aurait été mieux soigné, il aurait été indemnisé par la SAAQ et n’aurait subi qu’une perte salariale partielle.
Et…Je vous entends d’ici…
Je sais…Au Québec, dans un contexte pareil, pas certain que sa maman aurait pu lui offrir autant…Elle aurait eu un emploi et n’aurait surement pu tout quitter pour le soutenir..
Leur force : leur famille, leur très grande famille.

mercredi 2 mars 2011

SEMAINE HUIT

Pleine nature, et j'ai ajouté deux photos...Prises à Yaounde...Dans un lieu non décrit...Histoire de vous donner une idée...
On s’y présente, par obligation.  Vous le constaterez lors de votre lecture.
Je vous le dis, rien de plus essentiel sinon l’endroit que je vous présenterai. 
J’ai décidé de vous faire découvrir le Cameroun dans toutes ses ramifications. Vous êtes avec moi partout et pour tout.
Vous avez deviné, j’oserai parler du «petit coin» ou cabinet d’aisance, petit endroit, W.-C, bécosse, toilette, salle de toilette, chiottes, latrines, etc.
Peu importe la nomination, le résultat est le même : nous sommes soulagés.
Pour faciliter l’écriture, J’utiliserai «petit coin» et je simplifierai en utilisant les vocables «pipi» et «caca».
Alors voici.
Premier petit coin :
Entre Ngaoundéré et Maroua, à un arrêt d’autobus, nous devons payer pour utiliser le petit coin, 50 Fr pour le pipi et 75 Fr pour le caca. Tout est simple et modeste. Un homme se tient à l’entrée, c’est à lui que nous devons acquitter nos frais de soulagement.  Une fois la porte principale traversée, il y a environ une dizaine de portes, un côté pour les hommes et un côté pour les femmes.  Derrières celles-ci, un trou d’environ 15 cm de diamètre dans lequel nous laisserons choir notre inconfort. La céramique qui entoure le trou est trempée.  Certaines personnes manquent d’adresse et pissent partout.  Je suis devenue habile, mais pour ce trou, j’ai dû travailler un peu plus fort, car je n’ai pas voulu déposer mon énorme sac par terre dans cette humidité que je redoutais. Somme toute, j’ai quand même contribué au maintien de l’humidité du sol.
J’entends d’ici votre questionnement…Comment peuvent-ils connaître ce que nous y ferons ? Je ne sais pas et je n’ai pas posé la question…J’ai imaginé que c’était sur la bonne foi du client et que de temps à autre, on faisait un contrôle comme dans les trains, autobus ou métros de notre pays…Et en cas de non-paiement pour le surplus déposé, je ne pourrais dire si on t’oblige à  reprendre le tout ou si tu dois payer une amende…
Lors d’un second voyage où je passais par le même endroit, j’ai vu une affiche, mais cette fois, avec un seul tarif : 50 fr. Je ne l’avais pas vu lors de ma première visite, j’avais simplement demandé le tarif au portier…Ce même jour, j’ai compris qu’on s’était moqué de moi…

Imaginez le type qui observe notre visage en train de réfléchir au montant que nous devons donner…Rictus moqueur et heureux de sa blague, ce jeu lui permet surement de continuer de faire son métier.
Deuxième petit coin :
Dans un restaurant de Maroua, il s’agit d’un évier d’un blanc immaculé avec ses deux robinets qui, je puis vous le dire, ne sont plus fonctionnels. Celui-ci est entouré de céramique de chaque côté et est à la même hauteur qu’une toilette normale. Un muret fait avec la même céramique cache la tuyauterie.  On se questionne, mais on conclut rapidement que c’est comme ça. Tout est propre, on y risque un pipi seulement imaginant que le caca pourrait avoir peine à passer dans le trou.
Rien à voir avec mon blogue, mais, la bouffe y est excellente et…Je ne sais pas si on se lave les mains dans les toilettes.
Troisième petit coin :
Aux frontières du Tchad, aux abords de la plage, nous prenons une bière.  Mes amis ont décidé que c’était l’endroit idéal pour m’accueillir et ils ont raison. Évidemment, bière aidante, je cherche le petit coin qui, je constate, une fois les indications servies par notre serveur, était juste là, à ma gauche. Un rideau sur le mur accroché à environ quatre pieds du sol.  Je déplace le rideau pour découvrir un orifice qui traverse le mur de ciment, pas plus haut que trois pieds et demi. Malgré la chaleur, j’ai l’impression d’entrer dans un igloo.
J’y découvre alors une pièce carrée de couleur sable d’environ huit pieds par huit pieds, un espace très grand pour un simple trou situé droit au centre sur un espace légèrement surélevé. Tout est immaculé et l’absence de toit nous donne un éclairage qui facilite le travail. Sur ce même espace surélevé, de l’eau dans un contenant de plastique. J’ai adoré pour l’espace, l’éclairage et l’intimité. J’avais l’impression d’être seule au monde.
Quatrième petit coin :
Dans un quartier de Maroua appelé «Avion me laisse», nous mangions du poisson et prenions une bière sur les tables sises aux abords de la rue.  Nous achetons la bière de ceux qui fournissent les tables et achetons le poisson chez un autre marchand qui est également installé sur le bord de la rue avec ses grilles et tout ce qu’il faut pour nous servir le meilleur poisson en ville. 
Des précisions s’imposent, on dit que le quartier se nomme «Avion me laisse» parce qu’un jour, un homme trop occupé à manger le poisson du quartier, a simplement raté son avion…D’où la réputation acquise par les femmes qui y cuisinent le poisson.  Jolie comme histoire non !
Enfin, je demande la toilette et le serveur m’amène dans une grande salle vide peu éclairée et m’indique du doigt une entrée sans porte ou rideau.  J’entre. Tout est noir. Je n’ose aller plus loin pour trouver le trou parce que j’avais réellement peur de mettre le pied dedans. Je vois que le sol est trempé, je ne suis pas la seule à ne pas avoir visité le fond du couloir, je m’installe et je pisse, le couloir est en pente, je vois que tout me coule entre les pieds pour rejoindre les abords de la salle décrite précédemment. Ça ne va pas trop loin, le sable absorbe magnifiquement.  Une seule préoccupation, j’espère juste que personne n’a eu la même idée que moi. Je fais très vite. Débit et pression sont au rendez-vous.
Une autre volontaire m’a confirmé plus tard la présence d’un trou au fond du couloir. Elle a persévéré et trouvé.  Une volontaire beaucoup plus téméraire que moi.
Les exemples se multiplient, tous aussi cocasses les uns que les autres.  J’ai vu un petit coin sans trou, mais, une magnifique rigole cimentée qui apportait le tout derrière le bâtiment du bar où nous étions. J’ai également vu des petits coins avec chaîne et réservoir d’eau, mais, ce que j’ai aimé par-dessus tout et je termine avec ce petit coin magnifique qui sera mon cinquième et dernier :
Entre Bamenda et Yaoundé, l’autobus s’arrête 15 minutes pour acheter victuailles et «se mettre à l’aise» comme les Camerounais le disent si bien. J’achète un jus et demande à la dame où je puis trouver les toilettes.  Elle me montre une porte de bois, me demande de suivre le chemin, de passer entre les maisons et de me rendre jusqu’au bout. Sans plus. 
J’écoute la dame, je traverse la porte pour longer une première maison, une cour arrière et une deuxième maison pour enfin retrouver des arbres, une forêt, l’enclos de quelques poules et, des hommes, au loin, debout, me faisant dos, les mains devant ainsi que quelques femmes accroupies derrière un arbre ou des buissons.  La formule est très simple, on choisit notre arbre ou notre arbuste selon notre format ou, notre désir de marcher plus loin dans la nature.
J’ai choisi un petit arbre tout près qui semblait plus sec que les autres m’imaginant ainsi, contribuer à sa floraison. 
Vous dire que la verdure est magnifique vous fera certes sourire mais c’est le cas.
Ce petit coin est sublime. D’entre tous, la propreté y était et, je n’ai pas eu peur de déposer mon sac par terre ni peur de trouver quelqu’un qui veuille occuper le même emplacement que moi. Mieux encore, aucune odeur désagréable et ça, c’est ce que j’ai le plus apprécié.
Finalement, le «petit coin» ou cabinet d’aisance, petit endroit, W.-C, bécosse, toilette, salle de toilette, chiottes, latrines, etc., Ça peut être très simple.
Et puisque nous sommes dans le sujet…Deux volontaires québécois m’ont raconté qu’à leur maison, il n’y avait pas de toilette avec chasse d’eau, mais un trou et qu’au cours d’une de leurs absences, un poussin y est tombé. 
Il a survécu grâce à la volontaire qui en eut pitié en lui donnant des restes de table alors que le volontaire disait contribuer affectueusement à faire monter le niveau qui lui donnerait accès à la sortie.
Les résultats, ils sont venus vider le trou et le poussin devenu grand est sorti, a été vendu au marché et mangé par on ne sait qui.
Maintenant, dois-je ou non me méfier du poulet que je mange ici ?
Pour répondre à ce sondage, contactez le 1-800-POUSSIN.