Au moment où j’écris ce blogue, nous sommes lundi le 9 mai et il est 22h30. Je n’arrive pas à dormir. Vous comprendrez pourquoi en lisant l’entièreté de ce texte.
Ce même jour, une des volontaires VSO de Moutouroua est dans mon village pour assister à une réunion sur les foyers améliorés. Un concept économique et écologique extraordinaire dont je vous épargnerai les détails…En résumé, il s’agit d’un foyer qui demande moins de bois que tous les autres.
Cette volontaire s’appelle Hafren, on prononce le «f» comme un «v». Une fille de la Grande-Bretagne qui maitrise bien bien bien la langue française. Elle est d’une douceur déstabilisante.
En tant que bonne hôte, je dois l’amener au bord du fleuve Logone, LE LIEU à visiter lorsque la vie t’amène à Yagoua.
Le fleuve Logone sert de frontière entre le Tchad et le Cameroun.
Je réserve mon chauffeur de moto préféré, celui qui me conduit sans que j’aie la frousse. On l’appelle «Petit roi» mais son véritablement nom est Corïanga.
Nous quittons Yagoua pour effectuer le trajet de 9 km. Nous sommes trois sur la moto.
Le ciel est sombre. Nous sommes au début de la saison des pluies. Nous continuons quand même la route.
Une fois sur place, nous prenons une bière et notre objectif est de traverser au Tchad avec un piroguier. Corïanga nous trouve le meilleur qui soit. Avant l’embarquement, nous apercevons un hippopotame. Nous décidons de traverser quand même.
En 2009, un piroguier a été déchiqueté par un hippopotame. J’hésite mais, je monte…On traverse le fleuve tous les jours sans problème malgré leur présence alors…
Nous traversons sans peine. Une fois sur l’autre rive, nous descendons de la pirogue et foulons le sol Tchadien. Nous prenons une gorgée de bière. Nous en profitons pleinement sans trop exagérer.
Je suis entrée illégalement dans un pays Africain, le Tchad, avec de la boisson en plus. VSO déconseillait de se rendre aux frontières du Tchad, moi, j’ai foulé son sol.
Et puis, des voix, le piroguier nous demande de monter. Nous l’écoutons, il démarre à une vitesse telle que je tombe de mon banc.
Les douaniers sont là, ils demandent que nous revenions, ils veulent voir nos papiers. Le piroguier continue sa route. Les gendarmes chargent leurs fusils et se positionnent. Nous nous couchons dans le fond de la pirogue alors qu’il continue en nous rassurant : «Ils font toujours ça quand c’est les blancs, ils ne tireront pas». Mais, je suis morte de peur alors qu’Hafren se relève et continue de fumer sa cigarette.
Ils tirent…Le piroguier n’a toujours pas peur, il dit qu’ils tirent dans les airs…
Je lui demande s’il aura des problèmes par la suite, il me répond que non, il a déjà vu ces Tchadiens faire pire encore. Il dit qu’il discutera avec eux, sans plus.
Il désobéit pour nous. Je ne sais que dire.
Nous remontons le fleuve et nous entendons les gens au bord de la rive criant au piroguier qu’il y a les hippopotames…
Il tourne la pirogue d’un seul coup de pagaie. Les gens crient encore plus fort. Ils sont derrière nous. Je vois leur museau. Il y a des bois dans le fond de la pirogue, Hafren et moi les attrapons alors que le piroguier nous demande de rester bien assises au milieu. Il nous explique qu’il doit naviguer dans le même sens qu’eux pour éviter les dangers. Je n’ai jamais des narines d’hippopotame d’aussi près.
Je pense, je réfléchis et je me trouve irresponsable. Je m’en veux d’avoir amené avec moi Hafren, si belle et si jeune. Je nous vois déjà mortes. Décapitées et déchiquetées. Je pense à mes enfants, à mes parents, à vous tous.
Enfin…Les hippopotames nous ont rattrapés mais nous nous sommes éloignés de l’endroit où nous devons descendre.
Le ciel nous menace, le vent se lève, la remontée est pénible. L’eau monte dans la pirogue. Mes souliers sont trempés mais ce n’est pas grave.
Notre pagayeur se lève et fait le tour en frôlant sa pagaie sur les rebords de l’embarcation tout en marmonnant quelque chose. Nous demeurons muettes. Il prend beaucoup de temps parce qu’une pirogue, c’est long.
Il nous expliquera alors que ce geste symbolise une demande adressée aux esprits afin qu’ils puissent le protéger, lui et ses passagers. Il dit qu’il ne peut exécuter cette demande qu’une fois par an.
Il vient de gaspiller celle de l’année, ce doit être sérieux.
Je le revois encore, attentif à nos besoins, sacrifiant son rituel, nous rassurant par son coup de pagaie fort et droit. Je vous assure, il prenait soin de tout. Sa pirogue, ses passagers et sa vie également.
Nous remontons tranquillement, les éclairs zèbrent le ciel. Je vois les muscles de ses bras se gonflés au rythme de l’eau qui frappe à babord et à tribord.
Il sue. Son visage montre une inquiétude qu’il s’efforce de ne laisser paraitre. Ses pieds sont appuyés dans le fond et ses mains serrent la pagaie.
La vitesse d’exécution est régulière et soutenue. Il passe d’un côté à l’autre de la pirogue à un rythme effréné.
Plus une goutte d’eau n’est tombée dans la pirogue par la suite et pourtant, les vagues étaient toujours plus grosses.
Je suis songeuse alors qu’Hafren affiche un courage exceptionnel. Elle me rassure.
Le danger est de moins en moins présent. Plus nous nous approchons du bord, plus le piroguier sourit. Il est fier. Je lui dis qu’il est bon mais il répond sans cesse : «C’est mon travail».
Nous l’avons bien payé. Il était content. Il est notre «Robert Piché» africain. On fera un film sur lui un de ces jours.
Une fois arrivée, les gens applaudissent, tous nous ont suivis dans notre aventure. Nous entendons «nassara, nassara».
Saines et sauves nous sommes. Les gens nous sourient et nous accueillent chaleureusement. Corïanga nous aide à monter la petite pente de sable. Le pagayeur ne sait où donner de la tête. Il est accueilli en héros.
Ils font leurs applaudissements traditionnels. Un coup, deux coups, trois coups et envoie à la personne qui doit croiser ses bras sur sa poitrine. Il reçoit bien, très bien même.
Hafren est une fille exceptionnelle, je ne l’ai jamais vu faiblir. Je l’admire.
Et que dire de ce piroguier. Il demeure humble. Je suis consciente de ce qu’il vient d’exécuter. Il a su quoi faire. Imaginez seulement le passage des hippopotames, il devait demeurer entre eux sans les toucher. D’habiles manœuvres de sa part nous ont peut-être sauvées la vie ?
Ce serait bien si notre aventure se terminait ainsi mais…Nous prenons la moto pour retourner. Le ciel s’assombrit. Vaudrait-il mieux attendre ? Corïanga me répond que : «Dieu est grand».
Nous chevauchons sa moto et partons. Le vent est de plus en plus fort, nous sommes là, à contourner les branches des arbres qui tombent et les toits de paille des cases. Je ne sais pas pourquoi mais Hafren les prévois et informe Corïanga à chaque fois.
Elle voit tout. Une guide sans pareille.
La pluie tombe si fort que je me demande comment il trouve sa route. La noirceur est tombée et nous traversons la brousse.
La moto zigue-zague. Je me tiens bon.
Encore une fois, je ne sais par quelle miracle mais, nous sommes arrivées chez Bouba, mon gardien de nuit, bien trempée et le cœur soulagé. Nous avons ensuite poursuivi notre route jusque chez moi.
Et tout cela est le résultat de ce que nous avons imaginé, Hafren et moi, sur la moto, lors de notre retour. Il faut bien passer le temps non ! Si vous y avez cru, je suis un peu gênée…J’écris tout petit petit petit…
Je ne vous ai pas tout livré mais, puisque Corïanga riait riait et riait de nous entendre, et puisque Bouba et sa femme ont également bien rigolé, j’ai décidé de vous partager mon quotidien sous toutes ses forme.
La vraie histoire : Nous avons traversé le fleuve et avons effectivement foulé le sol Tchadien dans l’illégalité, et ce, sans embûche. J’y ai pris une gorgée de Coke alors qu’Hafren a pris une gorgée de bière et a continué sa cigarette.
Aucun gendarme, aucun douanier pour nous importuner. Nous sommes revenus et avons demandé au piroguier d’allonger le tour tellement nous étions bien. Les gens sur la rive nous ont informés de la présence des hippopotames et nous sommes allés naviguer ailleurs.
Les hippopotames…Le piroguier nous racontait que certaines personnes pouvaient grimper sur leur dos et arrivaient à les diriger. Les attaques…très très très rares…
Au retour, Corïanga nous a dit que Dieu était grand et Dieu a été grand. Il venait de terminer sa prière alors…Quelques gouttes de pluie seulement.
Et les vagues du fleuve…Juste un tout petit peu plus fort…Et son rituel, le fruit de mon imagination…
Vous, qu’auriez vous ajouter à ce fou rire né entre une britannique et une québécoise qui se sont connus en terre africaine ?
Le soleil tape fort n’est-ce pas…
Je dois ajouter, j’ai fait lire ce blogue à une autre volontaire qui a tout cru du début à la fin expliquant qu’ici, tout peut arriver. Je partage son opinion…
Bonne semaine
Attends... Quoi? C'est pas vrai? Moi aussi, j'ai tout gobé! C'est qu'avec tout ce que tu nous racontes... Tout semble effectivement possible!
RépondreSupprimerÀ bientôt!
Cath xxx
Mon Alyne adorée
RépondreSupprimerC'est quoi l'affaire...tu veux me faire mourir de peur, pour toi en plus??? Je te savais aventurière mais à ce point, jamais et de savoir que tout est faux, c'est encore pire. Mon coeur bat à toute vitesse pour me rendre compte que, c'est une blague les amis.... Ma coquine, ne me fait plus ça, sinon tu verras mon nom dans la nécrologie du journal...
Je t'embrasse, je t'aime et Claude t'envoie plein de bisous.
Ta meilleure xxxxxxx