Je ne vous parlerai pas de mes ennuis, j’essaie de les fuir alors, vous en parler serait les alimenter, les nourrir, les ancrer et les enraciner…Ce que je ne veux surtout pas. Déjà que leur gestion me demande beaucoup de temps.
Or, malgré les efforts fournis, je trébuche et vous partage que l’ennui m’est terrible. Chez moi, il s’installe sans avertir.
Le matin, le midi, le soir, la nuit, à la vue d’un objet, à l’écoute d’une musique, d’une banalité ou d’une histoire cocasse, à la prononciation d’un prénom, à la lecture de certains courriels, à vos commentaires et à certaines dates qui me remémorent ceci ou cela.
Je savais que je passerais par là, mais, je ne savais ni quand, ni comment, ni pourquoi.
Normalement, l’espèce humaine commence par s’ennuyer de son amoureux, de ses enfants, de ses parents, de sa fratrie, de ses amis et amies et puis…Il s’ennuie de…sa cuisine, sa bière préférée, son vin, son fromage, ses croustilles, sa manette de télévision, son café du coin, sa boulangerie, sa pâtisserie, sa poissonnerie, son chroniqueur préféré, son magazine préféré, ses boutiques et j’en passe.
Je suis de cette espèce humaine. Je prétends me situer dans la normalité.
Libre aveu partagé dans une complète nudité…Lorsque je m’ennuie trop de mes fils, je téléphone au zénith de ma crise faisant abstraction de l’heure qu’il peut être.
Je les réveille au cœur de la nuit, dans leur sommeil, alors que Morphée vient de les accueillir, ils sont soumis à un interrogatoire en règle de leur mère. Je les gronde sans raison. Je les sermonne parce qu’ils n’ont pas encore répondu au dernier courriel qui leur a été envoyé dans l’heure précédente.
Mes fils, je suis désolée, sincèrement désolée.
Mes brus, pardonnez-moi.
Je vous rassure, je ne suis pas une belle-mère insupportable qui n’a su couper le cordon ombilical de ses fistons. Je suis de cette espèce humaine pour qui la gestion de ses propres crises a toujours été difficile.
Maintenant, quel est le remède, quelle est la potion magique pour contrer ces moments où j’oublie tout pour faire le décompte des mois, des semaines, des jours, des nuits, des heures voire même…des minutes ?
Après cette prémisse au ton larmoyant, je vous rassure, la providence est mon salut.
Allez savoir pourquoi, mais, chaque période de crise est suivie d’un moment de refleurissement intérieur. Telle une poudre de perlimpinpin, les gens d’ici, très innocemment, me sortent littéralement des mes sombres tourments.
Trois histoires où je me suis demandé comment je quitterai ce Cameroun qui, au fil du temps, des moments et des événements, réussit à me séduire.
Première histoire.
J’appelle mon chauffeur de mototaxi pour qu’il vienne me chercher. Puisque je reviens d’un voyage qui a duré 6 jours, il est arrivé en me disant : «Mais j’étais inquiet, je croyais qu’on vous avait arraché…je me suis dit… mais ils ont arraché Alyne».
J’ai tellement ri, je répétais «arraché» y associant une série d’images…de visions, d’illusions, de songes ou de fantasme, choisissez ce que vous voulez. Il me regardait étrangement et je me retenais de lui partager mes visions, illusions, songes ou fantasmes…
Soyons sérieux, je dois demeurer crédible non !
Et il a continué : «..Les gens me demandent où vous êtes…ils disent : mais la blanche elle est où…».
Ce simple accueil de sa part, cette façon qu’il a eue de me signifier mon absence prolongée, m’a littéralement sorti des mes sombres tourments.
Et ce jour-là, contrairement aux autres jours, il a arrêté sa moto pour me serrer la main…J’avais également hâte de le revoir, une mise à jour s’imposait, que de choses nous avions à nous dire.
La deuxième histoire se passe ce même jour, je suis arrivée chez moi et Bouba, mon gardien de nuit, avait laissé trainer un seau sur le perron. Il ne laisse jamais trainé quoi que ce soit. Je viens pour le ranger, j’y trouve mes espadrilles dans une eau savonneuse. Il les a lavés. Je suis horriblement gênée.
Ce n’est pas tout. Lorsqu’il est revenu, il a vu mes espadrilles en train de sécher. Sur un ton de désappointement que je ne comprenais pas il a dit : «Ah non, j’ai oublié, mais je vous ai fait travailler.»
Et de lui répondre : «Mais non, j’ai pris les espadrilles et les ai mises sur le ciment pour qu’elles sèchent, c’est tout»
Déception sur son visage. Il me regarda et dit : «Mais il faut frotter, mais il faut frotter».
La tête baissée, il se lève et va chercher le seau, le savon et la brosse pour frotter MES espadrilles. Je tente de l’en empêcher, il est déjà trop tard, il a tout ce qu’il faut, il tire la chaise, place le seau entre ses pieds et…J’ai su que c’était vraiment sérieux lorsqu’il a levé le bas de ses pantalons jusqu’à ses genoux.
Non et non les filles, aucune vision, illusion, songe ou fantasme…L’ennui est fort, mais pas à ce point. Et si je dois partager un commentaire, je vous dirais qu’ici, les Camerounais sont «sculptés dans la pierre» pour emprunter l’expression d’une jeune québécoise que j’ai croisé récemment. Eh oui, il a de jolis mollets.
Reprenons. Il s’est mis à frotter avec une intensité telle que je craignais qu’il abime le tissu. Craintes inutiles, ce ne sont pas les premières espadrilles qu’il frotte, mais cette fois-ci, ce sont les miennes et je veux qu’ils durent jusqu’à la fin du projet.
Il était content, il souriait et ignorait les arguments que je tentais de lui servir pour qu’il cesse, lui expliquant qu’elles seraient dans le même état dans quelques jours.
Je parlais et il m’ignorait…Suffisant pour que je me rappelle l’adolescence de mes fils…
MES FILS…L’ennui ressurgit. Vous voyez bien que c’est soudain et imprévisible non !
Troisième et dernière histoire.
Bouba s’inquiète, il dit que je ne cuisine pas assez. Je ne sais comment lui dire que dans cette chaleur, l’appétit est moindre et que je ne m’inquiète pas pour les quelques livres perdues puisque ma maman, mon papa, ma famille, mes amis et amies me les feront reprendre dès mon retour.
Ne vous en faites pas, je mange bien. Éliminez de votre alimentation les croustilles, le fromage, le vin, la bière, le yogourt à 8 ou 9 % de gras, le lait, le beurre, les pains au chocolat, les soupers à 4 ou 5 services entre amis et amies, les déjeuners festifs…
ASSEZ…Cette énumération est douloureuse...L’ennui revient alors que je me croyais en plein contrôle…
Mes forces s’amenuisent, que la providence soit…
Je continue donc avec les inquiétudes de Bouba.
Il a trouvé une solution. Il dit qu’il parlera à sa belle-sœur et elle cuisinera pour moi. Il me demande ce que j’aime. Simple, j’aime tout.
Quelques jours passent et voilà qu’au retour du travail, sur ma table se trouvent deux thermos bien remplis de riz et d’une recette typiquement camerounaise. J’en ai eu pour trois jours.
Et les thermos…Neufs ou presque neufs. La belle vaisselle a servi pour l’étrangère, la blanche, la nassara…
Ça, c’était énorme. J’ai même pris une photo pour partager. Cette belle sœur a cinq enfants. Sa maison est toujours pleine, un frère, une sœur, une nièce, un neveu, etc.
Chaque fois que je lui rends visite, elle est dehors en train de coudre, de tresser une enfant ou simplement assise par terre avec sa marmaille, et, malgré tout ce qu’elle doit accomplir, elle a partagé avec moi le résultat de son labeur.
Voici trois pages de quotidien camerounais. Entraide, partage, bienveillance, bonté et charité sont les éléments qui composent ma poudre de perlimpinpin qui, si habilement, soigne mes ennuis.
Et de retour au Québec, vous pouvez être assurée que je m’ennuierai d’eux et…Je sais qu’ils s’ennuieront de moi….Comme vous vous ennuyez de moi présentement…
Bonne semaine à tous.
Mon Alyne adorée
RépondreSupprimerJe suis de retour de la Floride ou la chaleur n'est rien à comparer de la tienne. Après avoir lu et relu tes textes d'avril, je prend conscience que je me suis plainte pour rien en vacances. Je n'en revient tout simplement pas de tout ce qui t'arrive mais je sais que tu es une femme forte, décidée voir même entêtée à continuer ton bon travail. Je constate que tu as des moments plus difficiles, c'était à prévoir, ça fait partie de la game.
Alors je te laisse dans ta grande bonté auprès de ceux qui désormais font partie de ta vie, à jamais.
Je t'aime, je t'embrasse et prend bien soin de toi.
Ta meilleure xxxxxx