lundi 23 mai 2011

SEMAINE 20 - Le souffle de ma maman

Le souffle de ma maman

Ma maman me racontait qu’enfant, lorsque je voyais un bébé à la télévision, je courrais la chercher pour qu’elle puisse enlever la vitre…Je voulais saisir l’enfant, le prendre, le bercer, le cajoler, en faire ma poupée.

Et si ces enfants étaient de couleur noire, je rêvais d’aller les retrouver.
Vous voyez que mon aventure remonte à très très très loin !

Tous, nous conservons précieusement ces mots d’enfant, ces souvenirs ou ces anecdotes provenant de notre progéniture ou des récits transmis par nos parents qui aiment raconter à satiété ce que nous leur avons laissé comme traces mnésiques.

Nostalgie et gaieté se rythment au bonheur éprouvé à entendre et réentendre la même histoire, relatée avec les mêmes mots, les mêmes termes et les mêmes détails.

Je puis parfois deviner les mots de mon père. Il est un excellent raconteur.

Et ces histoires, on ne s’en lasse point. Ils font partie de nos rencontres familiales.
D’ailleurs, je crois que c’est pour cette raison que ces rencontres existent, pour qu’on n’oublie rien de ce passé qui nous unit et pour que la génération future en connaisse son contenu.

Une transmission orale forte généreuse entretenue par nos rencontres ponctuelles qui contribue à la survie des liens familiaux contraints aux turbulences de nos vies.

Mais où vais-je avec ce blogue qui ne vous dit rien sinon que le résultat de mes méditations nocturnes. Il est présentement 02 h00 du matin.
Les étoiles envahissent le ciel. Le vent est bon et malgré lui, la chaleur m’accable. Le drap sur lequel j’ai dormi jusqu’ici est trempé et mon matelas porte des traces de sueur que je laisserai à mon départ.

Actuellement, je suis coopérante en Afrique. Je suis avec ces enfants de couleur noire que je rêvais d’aller retrouver dans mon enfance. Je regarde tous ceux qui ont une quarantaine d’années et j’imagine les avoir peut-être déjà vus derrière la vitre du téléviseur.

Bernard Weber mentionne dans «La révolution des fourmis» que le battement d'une aile de papillon à Honolulu suffit à causer un typhon en Californie.

Il nous interroge comme suit : or, vous possédez un souffle plus important que celui provoqué par le battement d'une aile de papillon, n'est-ce pas?

Battement d’ailes de papillon ou simple souffle, multiples éléments contrôlés ou négligés ont permis mon aventure.

Plusieurs d’entre vous m’ont demandé d’écrire sur ce que je fais exactement. J’y suis, mais avant, cette prémisse était nécessaire.
Ce que je fais : de la coopération.

Coopération : Action de coopérer. Agir de concert avec.

Les objectifs du projet signé avant mon départ en vous épargnant les détails administratifs et en conservant les verbes qui introduisent mes actions : Appuyer, renforcer, dynamiser, développer, aider, augmenter.

Leurs compléments d’objet direct ou indirect : capacités du personnel, les stratégies efficaces, stratégies de mobilisation des ressources financières internes, objectifs, gestion, etc.

Le mariage de ces verbes et compléments vous décrit ce qui a motivé ma décision. Un projet que j’acceptais avec enchantement et empressement. Bien humblement, je me voyais dans l’action. J’avais hâte.

Je suis ici depuis le mois de janvier 2011.

Janvier : Module de formation avec VSO Angleterre. Cuso m’a recruté pour m’offrir un contrat avec son partenaire VSO. Je n’ai rien vu de tout cela. Il faut dire qu’au cours des mois qui ont précédé mon départ, j’étais bien occupée à travailler ici et là.

Février : Participation aux différents ateliers offerts aux représentants des organisations soutenus par mon partenaire. C’est la fin de l’année financière, on vide les tiroirs et on multiplie les ateliers.

Mars et avril, les statistiques pour les autorités de VSO : Est-ce que tous ces ateliers ont influencé la vie des personnes atteintes du VIH ? La réponse : Oui.
Lesquels : tous. Des centaines.

Les résultats sont extraordinaires. Londres et Ottawa se réjouiront. Nous sommes un partenaire efficace, nous redorons le blason des autorités bienveillantes qui se soucient des pays en développement.

Et moi, je n’y vois aucun lien. Je fais tout pour tenter de suivre leur logique, mais je n’y parviens pas. Pourtant, j’ai réussi mes mathématiques statistiques au cégep avec succès.

Je vais reprendre ces mathématiques dès mon retour. Peut-être en ai-je oublié l’essentiel.

Fils, j’aurai besoin de votre aide.

Toujours en mars et avril, les employés de mon partenaire courent, ils assurent les urgences à droite et à gauche, ils sont en intervention du matin au soir, les fins de semaine, les jours fériés, et je suis là, à les attendre, quémandant un peu de temps ici et là. Ils travaillent dur et fort, ils y mettent tout leur cœur. Ils sont tous les trois des infirmiers.

Mon rôle est de maximiser l’organisation de leur travail, mais pour cela, ils doivent s’arrêter et m’expliquer.

Je glane ici et là maints petits travaux qui pourront les aider. Des tâches qui n’ont rien à voir avec les objectifs de mon placement.

Le mois d’avril s’écoule, je puis compter les heures passées avec eux sur une seule main.

Mon analyse après quatre mois : Redéfinir le placement.

J’ai fait ma part. Le renforcement des capacités se situe à ce niveau : observer, réfléchir et agir sur le placement.

ORA (observer, réfléchir, agir) est un principe utilisé dans certaines écoles camerounaises. Je suis ici pour utiliser leurs outils et leur rappeler ce qu’ils savent déjà.

Cette situation offerte m’a permis de renforcer mes capacités, un des objectifs de mon projet, mais à l’inverse…Mon partenaire devait renforcer ses capacités et non pas contribuer aux renforcements des miennes.

Dans la dernière étape (agir), j’avoue avoir été envahie par des émotions qui ne m’aidaient guère à déterminer ce qui motiverait mon choix, celui de rester ou de partir.

Vieux truc en psychologie, je dessine une tarte en y inscrivant les pour et les contres. Je vous épargnerai le labyrinthe parcouru, tel Thésée, j’ai combattu le Minotaure grâce au fil d’Ariane. Je m’en suis sortie, mais avant…Cette tarte.
Au décompte, j’obtiens un axe de symétrie parfait. Les pour et les contres sont en équilibre de part et d’autre.

Et dans ce tourbillon rationnel : un appel. C’est ma maman, Marie-Ange. Elle porte son prénom à merveille.
- Allo Alyne
- Allo maman, je suis contente de te parler.
- Tu reviens quand ma belle fille (comme toutes les mamans du monde, elle trouve sa fille belle)
- Mais maman, tu le sais quand je reviens, pourquoi tu me poses la question ?
- Parce que…J’ai hâte de te voir.
- Mais maman…Allez…
Sa réponse : un «ah» allongé qui s’est éteint dans un lourd silence.

MAMAN…J’ARRIVE…Je te choisis. L’idée de passer une partie de l’été avec toi me plait.

Elle ne saura jamais combien ce simple «ah» a fait toute la différence. J’aime ma mère. Tendrement.

…un souffle plus fort que le battement d'une aile de papillon… ma mère souffle dans son village natal, Padoue en occurrence, et son souffle cause un typhon à Yagoua, Cameroun.

En un éclair, je passais du rationnel à l’émotionnel.

Cri primal ou cri du cœur, je n’en sais rien. Mais quelle douceur.

Ce «ah» de ma maman s’est rangé dans la liste des bonnes raisons de partir.
Un ingrédient qui a fait basculer la balance…

Ainsi donc, je me suis mise à imaginer mon été auprès de vous.

Très égoïstement je sais, mais, je crois en ma décision. Elle permettra aux assises qui construisent nos placements de mieux réfléchir avant de faire traverser l’océan à des volontaires qui, au cours de leur vie, décident de consacrer un peu de temps à la coopération.

N’allez surtout pas croire que je quitte ce projet sans peine. Depuis que j’ai annoncé mes couleurs, je les ai vus tenter de se reprendre en me demandant de faire ceci ou cela.

Actuellement, je m’exécute sur des petits projets, je complèterai le site web promis avec un partenaire local. Je dicte son contenu et répertorie les plus belles photos.

De toute évidence, d’ici là, je pleurerai mes alliances avec ceux qui ont nourri mes blogues. Vous les connaissez tous, des gens formidables.

Tout au long de ce temps qui me reste, je construirai des souvenirs, anecdotes qui laisseront des traces mnésiques à mes parents et ma progéniture…

Je vous disais avant mon départ que mon projet ne serait jamais une condamnation, que je reviendrais lorsque l’aventure se terminerait…La voilà terminée…

Cette semaine, je racontais à Bouba qu’un ami volontaire reviendrait sur un autre projet. Il m’a alors dit :
-Et vous, que ferez-vous ?
-Mais Bouba, tu le sais, pourquoi tu me poses la question ?

Un «ah» prolongé qui s’est éteint dans un lourd silence.
Humm…Une impression de déjà vue…

Mon passage ici n’aurait eu de sens sans sa présence et celle de sa femme et son fils. Je les pleurerai en rêvant qu’un jour, je pourrai leur faire traverser l’Atlantique pour leur dire combien j’ai pu les aimer.

Je revivrai l’Afrique…Inch Allah…S’il plait à Dieu…

Date de mon retour : Je serai au Québec dès la fin du mois de juin.

Mes gars, faites votre chambre. Une inspection en règle est prévue…

Grand «Merci» à Huguette d’avoir critiqué le premier jet de ce blogue…Elle disait ne pas me reconnaître. Trop sombre. Le temps a permis quelques éclaircissements…Le voilà beaucoup mieux…À sa dernière relecture, j’ai souri et j’ai finalement pu le titrer.

1 commentaire:

  1. Mon Alyne adorée

    Ce que le cri du coeur ou le cri d'amour d'une mère peut faire. En tout cas pour moi, à la lecture, j'en était émue, voir bouleversé. Je suis heureuse pour toi, elle est encore là à t'attendre, à attendre sa petite fille impatiemment car pour elle, tu le sera toujours...

    Ton souffle, je le reçoit avec douceur et ton retour avec grande joie. D'ici là, prend bien soin de toi, je sais que tu aura plein de choses à finaliser, te connaissant, tout sera impeccable.

    Je t'aime et t'embrasse fort fort.

    Ta meilleure xxxxxxxx

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